Visite d’EtatXi Jinping à Paris: Le déficit commercial, mais aussi la Russie et l’Ukraine

Visite d’Etat / Xi Jinping à Paris: Le déficit commercial, mais aussi la Russie et l’Ukraine
Le premier ministre français Gabriel Attal a accueilli le président chinois Xi Jinping et son épouse Peng Liyuan à l’aéroport d’Orly Photo: Stéphane de Sakutin/Pool/AFP

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Le président chinois Xi Jinping est arrivé hier après-midi à Paris pour une visite d’Etat de deux jours, dans le cadre de sa première tournée européenne depuis 2019.

Visite qui coïncide par ailleurs avec le 60e anniversaire de la reconnaissance de la Chine par la France, à l’initiative du général de Gaulle. Accueilli par le premier ministre Gabriel Attal, il devait ensuite s’entretenir avec le président Macron – lequel s’était au préalable concerté avec le chancelier Scholz – puis être, ce lundi soir, l’hôte d’honneur d’un grand dîner à l’Elysée, après une cérémonie solennel d’accueil officiel dans la Cour des invalides.

Ce matin, un nouvel entretien entre les deux chefs d’Etat est par ailleurs prévu, portant surtout sur les échanges commerciaux, et auquel devait se joindre la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Et cela d’autant plus que ces derniers mois, l’UE a lancé différentes enquêtes sur les subventions que Pékin accorde à plusieurs secteurs industriels, notamment ceux qui concourent à la production de véhicules électriques, faussant ainsi, selon Bruxelles, l’exercice normal de la concurrence.

Dans une interview qu’il a accordée hier à l’édition dominicale du quotidien économique La Tribune, Emmanuel Macron a cependant reconnu que les Européens n’étaient „pas unanimes sur la stratégie commerciale à adopter vis-à-vis de la Chine“, certains acteurs voyant avant tout dans ce pays une mine de débouchés pour leurs propres produits, alors qu’elle exporte très massivement vers l’Europe. „Il faut être beaucoup plus réalistes dans la défense de nos intérêts, et obtenir la réciprocité“, plaide le président français. Démarche qui irrite, à l’évidence, les dirigeants chinois, lesquels crient au protectionnisme, et ont d’ailleurs lancé leur propre enquête sur les subventions dont bénéficieraient selon eux certaines productions européennes, à commencer par le cognac français.

D’une manière plus générale, les échanges commerciaux entre la France et la Chine, après avoir connu une période favorable jusqu’à l’année 2022, sont aujourd’hui dans une phase décevante pour Paris. La part du marché chinois que se taille la France est en baisse, avec un petit 1,3% selon les dernières statistiques, loin derrière les 4,1% de l’Allemagne, pourtant en légère baisse elle aussi. Outre les vins et spiritueux, pour lesquels la France reste le premier fournisseur des Chinois (mais seulement le onzième pour l’ensemble du secteur agro-alimentaire), ainsi que les cosmétiques, c’est la construction aéronautique qui tire tout de même la présence commerciale de la France, deuxième derrière celle des Etats-Unis pour ce secteur.

Des échanges particulièrement déséquilibrés

Mais les importations françaises de produits chinois, elles, ont bondi de près de 21% en 2022, après avoir déjà enregistré une progression de quelque 13% l’année précédente. Il s’agit notamment de matériel électrique et électronique, ainsi que d’ordinateurs; outre, bien entendu, le textile bon marché. Mais ce sont, plus que tout, les produits chimiques (+70%) et l’automobile (+45%) qui enregistrent la plus forte progression. Et dans tous ces secteurs, les achats en provenance de Chine sont nettement plus élevés qu’avant la crise sanitaire. De sorte qu’aujourd’hui, les échanges commerciaux entre la France et la Chine sont particulièrement déséquilibrés: en 2023, le déficit commercial de biens s’est établi à 40 milliards d’euros au détriment de l’Hexagone.

La visite à Paris du président chinois ne devrait cependant s’accompagner d’aucune signature de gros contrats, dans un sens ou dans l’autre. Mais des pourparlers sur les investissements croisés de l’un et l’autre pays devraient tout de même être relancés dès aujourd’hui, à l’occasion d’un „forum économique franco-chinois“ organisé cet après-midi. La France est le premier investisseur européen en Chine, s’agissant du nombre d’entreprises, mais l’Allemagne occupe la première position en termes de chiffre d’affaires.

Et demain mardi, M. Macron emmènera son illustre visiteur dans les Pyrénées pour une visite plus détendue sur des lieux auxquels le locataire de l’Elysée est attaché depuis l’enfance, pour des raisons familiales. Xi Jinping a d’ailleurs pris soin, dans une tribune publiée par Le Figaro, de donner par avance une coloration amicale à sa venue en France, ce pays qui a pour les Chinois, a-t-il écrit, „un charme unique“ et constitue „le berceau de tant de grands philosophes, écrivains et artistes qui ont inspiré l’humanité“.

Des paroles aux actes

Mais le président chinois évoque aussi, dans le même texte, fût-ce en termes très généraux, plusieurs thèmes dont son homologue français comptait bien l’entretenir en effet, puisqu’il promet d’ouvrir ses marchés aux entreprises occidentales, assure comprendre les enjeux de la crise ukrainienne, et déclare son attachement au respect mutuel entre Etats et à leur coexistence pacifique. Certes, formellement, ce discours bienveillant et vague n’est pas nouveau; mais Emmanuel Macron aimerait bien convaincre son visiteur de l’urgence qu’il y aurait à passer des paroles aux actes.

Et en particulier le pousser à jouer de son influence auprès de Vladimir Poutine. Non pas sans doute pour l’amener à renoncer purement et simplement à sa guerre de conquête contre l’Ukraine – il ne faut pas rêver – mais au moins de mettre un terme à sa stratégie de frappes massives contre les civils et contre les infrastructures énergétiques, sans parler de son utilisation de gaz de combat récemment confirmée.

Quitte, pour le président français, à passer rapidement sur le fait que la Chine, par ses achats massifs de pétrole et de gaz russes, ainsi que par la livraison à Moscou des micro-processeurs et autres composants électroniques dont a besoin son armée, aide Poutine à contourner l’embargo et à poursuivre son agression contre l’Ukraine.